D'Eurotunnel à EDF : les échecs du capitalisme Le capitalisme financier vient de
nous donner un spectacle édifiant avec la fronde des petits porteurs
d'Eurotunnel furieux de voir la valeur de leurs actions s'effondrer depuis
la création de la société en 1987. Cette débâcle
financière est confirmée en 2003 par une perte considérable
de 1.9 milliards d'euros, venant s'ajouter à des résultats
financiers désastreux au cours des précédentes années.
Autant dire qu'Eurotunnel est au bord de la faillite. Cette
infortune d'une des plus grandes réalisations de la fin du 20ème
siècle n'a rien d'étonnant. Elle confirme que les entreprises
de réseaux, comme les chemins de fer, la distribution de l'eau,
ou de l'électricité ne peuvent être gérées
selon les critères du marché. La raison principale en est
que la construction de ces réseaux (qu'il s'agisse de tunnels,
de voies ferrées, de canalisations ou de lignes à haute
tension) implique des investissements considérables dont la durée
de vie est très longue (plusieurs dizaines d'années) et
dont les effets (positifs ou négatifs) sur l'économie, l'environnement
et la société ne peuvent être pris en compte par les
marchés. Il est instructif de mettre en parallèle
la saga d'Eurotunnel et le débat actuel sur l'avenir d'EDF. A première
vue, tout oppose ces deux entreprises. EDF est en effet une entreprise
publique dont beaucoup s'accordent à penser qu'elle a été
gérée avec une grande rigueur. Pourtant, le bilan d'EDF
est loin d'être totalement positif. D'abord, EDF obéit à
la logique du " capitalisme monopoliste d'Etat " : il s'agit
d'une entreprise publique, en situation de monopole, dont les critères
de gestion et de rentabilité sont voisins de ceux des entreprises
capitalistes. En second lieu, EDF est un Etat dans l'Etat, au sens où
sa politique ne fait pas l'objet d'un véritable contrôle
démocratique. C'est ainsi que le choix du nucléaire comme
source dominante d'énergie électrique a été
imposé par le lobby pro-nucléaire constitué la haute
administration et les milieux industriels. De même, le Afin de satisfaire le choix européen d'un marché concurrentiel de l'énergie, le gouvernement Raffarin s'apprête à réformer le statut d'EDF pour en faire une entreprise ouverte à la concurrence et aux investisseurs. Que se passera-t-il à terme ? EDF sera gérée comme Eurotunnel, ou comme les entreprises britanniques ou américaines du secteur électrique. Pour assurer sa rentabilité et faire face à la concurrence, sans recevoir d'aides publiques (interdites par Bruxelles car elles faussent la concurrence), EDF fera des économies sur les dépenses en infrastructures, qui sont la partie la plus coûteuse de son budget. Et l'on risque de voir se produire de graves incidents, tels que les pannes électriques gigantesques de l'été 2003 aux Etats-Unis. Plus grave encore : les économies réalisées sur la maintenance du parc électro-nucléaire pourraient poser de sérieux problèmes de sécurité pour les populations. Les questions soulevées par
Eurotunnel et EDF conduisent à deux conclusions (par Dominique Plihon, président
du Conseil scientifique d'Attac France,
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