L'autisme de George Bush



Le plus grand déficit du XXe siècle aura été celui de la conscience, distancée par la science et pulvérisée par ses applications. Pour être plus exact, sans doute est-ce l'ivresse ou l'euphorie générée par cette profusion de changements et de découvertes qui a rendu inaudible l'expression de celle-ci. A décharge des uns et des autres la fulgurance des mutations rendait délicate l'appréciation de l'immédiateté et simultanément la lecture du futur.

Sur le plan écologique, la dernière décennie laissait poindre quelques indices d'espoir. La convention sur les changements climatiques de Rio, en 1992, et le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en 1997, étaient les frémissements d'une conscience revenue. Même si sa traduction en acte restait dérisoire, on pouvait espérer que le pire était derrière nous et que l'on allait enfin cesser de faire payer à la nature un tribut sans fin. Surtout on se prenait à croire que l'humanité avait enfin réalisé que son sort n'était pas distinct de celui du reste des êtres vivants. Nous allions peut-être basculer du siècle des vanités à celui de l'humilité. Naïveté, utopie ou illusion c'était sans compter sur l'arrivée au sommet de la pyramide de la suffisance de George W. Bush junior qui fait reculer la réflexion écologique au néolithique et encore, nul doute qu'à cette époque les hommes avaient avec leur environnement des liens plus étroits donc plus sensés.

Depuis peu, l'on sentait poindre la "mise en cause" et "en doute" par Bush et son entourage des conclusions du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat et sur ses causes anthropiques. Après de longues hésitations et atermoiements, la communauté scientifique nous alertait enfin sur les dangers de l'effet de serre amplifié par l'homme et sur les conséquences dramatiques d'un réchauffement climatique rapide. L'humanité réalisait enfin l'impact de ses activités et prenait la mesure des dégâts passés et à venir. Non seulement de nombreux écosystèmes avaient été détruits ou étaient menacés, mais les grands équilibres écologiques eux aussi étaient perturbés de notre fait. Le message était enfin clair et perceptible : il y a péril en la demeure, car affecter la Nature c'est compromettre l'Homme. Le monde par la simple proclamation de cette évidence, avait fait un petit pas précieux vers la sagesse.

Monsieur Bush lui, avec le même aplomb qu'une cartomancienne, nous affirmait le contraire et que, quand bien même, son arsenal technologique lui permettrait de toute façon de faire face aux effets de tout cela. Le cynisme en habit de président ; la vanité au paroxysme, auréolée d'une stupidité absolue. Dans la foulée, la non ratification annoncée du protocole de Kyoto est lamentable autant que désastreuse.
Lamentable parce que son effet psychologique réduit à néant les efforts des uns et des autres sur cette prise de conscience indispensable aux pays industrialisés et anéantit les petits succès récents sur le front écologique. La Chine et l'Inde entre autres, auront beau jeu de ne pas faire d'effort en matière de réduction d'émission de gaz à effets de serre. Sans compter la résistance rampante et hypocrite de l'Union européenne à tenir ses engagements qui trouvera là un bouc émissaire commode. Cette attitude américaine risque fort de combler la brèche faite dans ce mur d'indifférence dressé au siècle passé.
Désastreuse parce qu'elle rapproche l'humanité de ces seuils d'irréversibilité que tous les esprits lucides redoutent. Voilà le futur sacrifié sur l'autel de l'économie et de la croissance à tout prix. Et même dans un raisonnement purement économique et démagogique où le dollar est la seule icône, ces choix ou ces entêtements sont d'une affligeante stupidité tant les expertises récentes montrent que l'écologie a certes un coût mais que l'ignorer en génère d'une toute autre échelle. Il n'a échappé à personne sauf au "Bush band", que les aberrations climatiques que nous subissons et leurs impacts, que les catastrophes écologiques et sanitaires qui se succèdent et qui nous sautent en permanence à la gueule, tous ces petits signes en début de siècle qui sont les prémices des effets de nos inconséquences passées, occasionnent quelques "menues" dépenses. Mais il n'y a de leçons de l'expérience que pour les visionnaires...

Ceci dit peut-on s'étonner d'une telle désinvolture d'un homme qui fait fonctionner la chaise électrique comme la planche à billets. Un homme qui fait si peu de cas de l'existence ne peut pas être fondamentalement humain. Tout celà procède de la même logique. D'un côté le partisan sans faille de la peine de mort, ôte la vie des uns sans sourciller, de l'autre il compromet celle de tous les autres sans plus d'émotion. Monsieur Bush vous serez coupable devant l'histoire de non assistance à planète en danger ! Vous volez la Terre de nos enfants !

Nicolas Hulot,
Président de la Fondation pour la Nature et l'Homme

Pour en savoir plus : voir le site www.fnh.org