|
"Civils" ou soldats mercenaires ?
Une exclusivité depuis Bagdad
«Des habitants furieux de Falloujah ont mutilé à
coups de pelle les corps carbonisés de CIVILS travaillant pour
la coalition"
écrit Le Soir (Bruxelles), ce 1er avril, comme pratiquement tous
les grands médias.
Des civils? Allez jeter un coup d'oeil sur le site de leur société
et vous verrez qu'il s'agit en réalité de soldats mercenaires:
http://www.blackwaterusa.com/
On peut gagner jusqu'à 1.000 $ par jour pour ce sale boulot. Mais
le risque est à la mesure.
La guerre contre l'Irak se privatise de plus en plus du fait que la résistance
cause trop de problèmes à Bush et Blair. C'est ce qui permet
de cacher le nombre réel de militaires tués.
Lisez le témoignage d'un ingénieur civil que j'ai rencontré
lorsque j'étais en Irak, juste avant la guerre. Un homme très
affable, très sérieux: via son témoignage, vous comprendrez
ce que ressentent les Irakiens.
Son témoignage sera présenté au cours du tribunal
de Bruxelles sur les crimes de guerre (15-17 avril). Le programme complet
se trouve sur: <http://www.brusselstribunal.org> .
Après cela, un autre document du très estimé journaliste
britannique Robert Fisk : ce que vous ne lirez pas dans la presse traditionnelle.
"Les actions que les Etats-Unis pourraient mener
enflammeraient encore davantage la population contre eux"
Ghazwan Al-Mukhtar, un ingénieur irakien retraité parle
depuis Bagdad:
Le lendemain du jour où quatre travailleurs américain d'une
entreprise militaire US étaient tués puis mutilés
dans les rues de Fallujah, nous nous rendons à Bagdad pour discuter
avec un ingénieur irakien retraité, Ghazwan Al-Mukhtar,
à propos des mercenaires en Irak ainsi que sur la raison pour laquelle
Fallujah s'est muée en foyer de la résistance irakienne.
voir:
No Iraqi shock over slaying of Americans ("Aucun Irakien n'a été
choqué par ce qui est arrivé aux Américains")
By Michael Georgy
http://news.ft.com/servlet/ContentServer?pagename=FT.com/WireFeed
Mercredi, ces quatre Américains ont été tués
puis mutilés dans la ville irakienne de Fallujah au cours de l'une
des attaques les plus spectaculaires contre les intérêts
américains depuis l'invasion de l'Irak. A proximité de là,
cinq militaires américains perdaient également la vie dans
une autre attaque.
Au cours de l'attaque contre ces «civils» américains,
les agences de presse ont pris des photos et des images de leurs corps
calcinés et démembrés au beau milieu de la rue. Deux
des corps ont été attachés et lynchés sous
un pont enjambant l'Euphrate. Les autres ont été traînés
dans les rues derrière des voitures avant d'être mis en pièces.
Le New York Times rapporte avoir vu un garçonnet d'une dizaine
d'année piétiner une tête calcinée en criant
«Où est Bush? Amenez-le ici pour qu'il voie ça!»
L'incident s'est produit le jour même où le nombre de soldats
américains tués en Irak atteignait le nombre de 600.
Les quatre Américains tués mercredi travaillaient tous pour
la société Blackwater qui, généralement, loue
les services d'anciens militaires, souvent de la marine de guerre, afin
de constituer en gros une armée privée échappant
dans les grandes lignes à tout contrôle public.
On ignore combien de ces «employés» privés américains
ont été tués, bien qu'il ait été rapporté
que l'armée s'appuie de plus en plus sur des sociétés
privées de sécurité au fur et à mesure que
la résistance à l'occupation s'intensifie.
Il s'avère que les Etats-Unis n'ont rien mis en oeuvre pour sauver
les quatre contractants privés ni même pour récupérer
leurs cadavres avant plusieurs heures après l'attaque.
Mercredi, le website des autorités provisoires de la coalition
ne mentionnait même pas ces attentats. L'un des gros titres du site
mentionnait: «La police irakienne à la hauteur dans sa tâche
de sécurité publique». L'analyste du Moyen-Orient,
Juan Cole, affirme que le degré de haine contre les Américains
au sein de la population irakienne ordinaire n'a rien d'une bonne nouvelle
pour les forces d'occupation.
Il écrit: 'Cela contribue à expliquer pourquoi si peu des
guérilleros arabes sunnites ont été capturés,
puisque la population locale les cache et les aide. Il semble également
peu probable que l'intensification des actions militaires américaines
puisse avoir le moindre résultat pratique dans la répression
de cette insurrection; la plupart des actions que les Américains
pourraient entreprendre ne contribueraient qu'à enflammer encore
plus le public contre eux. Il me semble très vraisemblable que
la violence de la guérilla va encore se poursuivre durant des années.»
La coalition des mercenaires
Les occupants claquent des millions dans une armée privée
chargée de la sécurité
par Robert Fisk et Severin Carrell
The Independent (Grande-Bretagne)
Le 29 mars 2004
Une armée de plusieurs milliers de mercenaires a fait son apparition
dans les grandes villes irakiennes. La plupart de ces hommes sont d'anciens
militaires britanniques et américains recrutés par les autorités
occupantes anglo-américaines et par des douzaines de sociétés
craignant pour la vie de leur personnel.
Nombre des Britanniques armés sont d'anciens membres des SAS et
des Sud-Africains lourdement armés travaillent également
pour l'occupation. «Les hommes savent se servir d'armes et tous
sont des SAS», a déclaré le responsable britannique
d'une équipe de sécurité opérant dans la partie
sud de Bagdad. «Mais il y a aussi des gens qui se baladent avec
des armes et qui ne sont rien d'autres que des cow-boys. Nous dissimulons
toujours nos armes, mais ces gars s'imaginent qu'ils sont dans un film
d'Hollywood.»
Il existe des doutes sérieux, même au sein du pouvoir d'occupation,
à propos du choix américain d'envoyer des mercenaires chiliens,
dont beaucoup ont été formés sous l'infâme
dictature du général Pinochet, pour garder l'aéroport
de Bagdad. Bien des Sud-Africians sont en Irak illégalement - ils
violent ainsi les nouvelles lois adoptées par le gouvernement de
Pretoria afin de contrôler l'exportation sans cesse croissante de
mercenaires sud-africains. Bon nombre d'entre eux ont été
arrêtés à leur retour: ils ne possèdent pas
la licence aujourd'hui réclamée aux soldats privés.
Les pertes parmi les mercenaires ne sont pas comprises dans le décompte
officiel des morts effectué par les autorités d'occupation,
et cela peut expliquer les soupçons permanents des Irakiens qui
estiment que les Etats-Unis sous-estiment leurs pertes militaires en morts
et blessés. Certains experts britanniques prétendent que
les unités de police privée constituent aujourd'hui les
plus importantes exportations britanniques en Irak - cette augmentation
étant provoquée par la multiplication des attentats à
la bombe contre les forces de la coalition, les organisations d'aide et
les bâtiments des Nations unies depuis la fin officielle de la guerre,
en mai dernier.
De nombreuses sociétés opèrent à partir de
villas situés dans les quartiers de la clase moyenne de Bagdad,
villas dont les portes n'affichent aucun nom. Certains argents de la sécurité
prétendent qu'ils peuvent ainsi gagner plus de 80.000 livres par
an. Mais un travail de mercenaire à court terme et à haut
risque peut rapporter beaucoup plus. Le personnel de sécurité
travaillant sous contrat de sept jours dans des villes comme Fallujah
peut se faire 1.000 dollars par jour. Bien qu'ils ne portent pas d'uniformes,
certains agent de sécurité portent une identification personnelle
sur leurs gilets de protections, en plus de leurs fusils et pistolets.
D'autres refusent de décliner leur identité, même
dans les hôtels, ils boivent de la bière en bande, leurs
armes à leurs pieds. Dans plusieurs hôtels, clients et personnel
se sont plaints de ce que ces agents de sécurité avaient
organisé des beuveries et un directeur a même été
forcé de faire savoir aux mercenaires se trouvant dans son hôtel
qu'ils devaient porter leurs armes dans un sac quand ils quittaient les
lieux. Sa demande est restée lettre morte.
Un directeur de société britannique, David Claridge, de
l'agence de sécurité Janusian, a estimé que les firmes
britanniques ont empoché quelque 800 millions de livres avec leurs
contrats en Irak, et ce, une année à peine après
le début de l'invasion. Une firme gérée par des Britanniques,
Erinys, emploie 14.000 Irakiens comme veilleurs et gardes de sécurité
afin de protéger les gisements de pétrole et les pipelines.
Le recours à des sociétés privées pour la
sécurité a soulevé pas mal de ressentiments chez
les travailleurs du Département de l'Aide Internationale au Développement
(DAID), qui craignent que la chose ne sape la confiance des civils irakiens.
«L'équipe du DAID préférerait ne pas avoir
ça», a déclaré quelqu'un. «Il est beaucoup
plus facile pour eux de faire leur boulot sans sécurité
visible, mais les risques pour la sécurité sont très
grands, là-bas.»
Une société gérée par des Sud-Africains, Meteoric
Tactical Solutions, a un contrat de 270.000 livres avec le DAID qui, a-t-il
été convenu, consiste à fournir des gardes du corps
et des chauffeurs à la plupart de ses fonctionnaires de haut rang
en Irak, ainsi qu'à leur personnel subalterne.
Une autre société britannique, ArmorGroup, a un contrat
de 876.000 livres pour la fourniture de 20 agents de sécurité
au Foreign Office. Ce chiffre connaîtra une majoration de 50% en
juillet. La firme emploie également quelque 500 Gurkhas pour protéger
les cadres et personnes importantes gravitant autour des firmes américaines
Bechtel and Kellogg Brown & Root.
Des parlementaires de l'opposition ont été heurtés
par l'ampleur de l'utilisation par le gouvernement de firmes privées
pour protéger les fonctionnaires civils britanniques et ils ont
affirmé qu'il s'agissait d'une preuve de plus de ce que l'armée
britannique était trop petite pour assumer les tâches qu'on
lui confiait. Menzies Campbell, le porte-parole démocrate libéral
des Affaires étrangères, a déclaré: «Cela
suggère que les forces britanniques sont incapables de fournir
une protection adéquate et cela soulève en même temps
le problème très controversé de la 'sur-extension',
et plus précisément à la lumière des remarques
émises par le chef de l'état-major de la défense,
qui disait, la semaine dernière, que la Grande-Bretagne ne pourrait
organiser d'autre opération à l'échelle de l'Irak
durant au moins cinq ans.»
Andrew Robathan, un parlementaire conservateur présent dans la
commission de sélection du développement international et
lui-même ancien officier des SAS, a déclaré: «L'armée
ne dispose pas des troupes pour assumer des gardes statiques de cette
ampleur. A coup sûr, il aurait été meilleur marché
d'avoir un autre bataillon de militaires pour fournir des gardes.»
La plus grosse firme privée britannique de sécurité
en Irak, Global Risk Strategies, assiste les autorités provisoires
de la coalition et l'administration irakienne à rédiger
de nouvelles réglementations. On s'attend à ce qu'elle augmente
ses effectifs sur place, les faisant passer de 1.000 hommes à 1.200,
au cours de ce printemps, voire à 1.800 au cours de cette année.
Toutefois, les montants mêmes de l'aide caritative sont fortement
perturbés par les sommes dépensées en sécurité,
puisque le DAID a dû prélever 278 millions de livres sur
son budget général d'aide à la reconstruction en
Irak. Dominic Nutt, de Christian Aid (Aide chrétienne) a déclaré:
«Ca nous reste en travers de la gorge. Il est normal que le DAID
protège ses effectifs, mais c'est comme si on volait Pierre pour
payer Paul.»
Les mercenaires débarquent en masse pour combler les trous
par Paul McGeough (The Age, Australie)
Les firmes privées de sécurité représentent
aujourd'hui la troisième force armée en Irak. Chaque fois
que les portes s'ouvrent au Niveau 5 du Palestine Hotel, on tombe sur
un Gurkha en tenue impeccable qui pointe son arme de gros calibre sur
l'ascenseur.
Tout l'étage et celui du dessus sont désormais occupés
par Kellogg Brown & Root, le département construction de Halliburton,
l'une des plus grosses firmes américaines opérant en Irak.
Et bien que les linguistes de l'occupation n'autorisent pas l'emploi du
mot «mercenaire», le Gurkha mentionné ci-dessus fait
partie d'une opération privée de sécurité
engageant 15.000 hommes et qui constitue la troisième force armée
en importance en Irak.
|