Le Livre de ce tdmbent

 

Informations sur le livre
Extraits


Aboutissement d'un long travail de 10 mois (à raison de 5h/j), ce livre remporte un franc succès auprès du public (plus de 3500 livres vendus, pour une autoédition peu diffusée). Vous y trouverez un vélo-couché qui parle, de l'humour, quelques faits historiques marquants mais souvent oubliés de l'histoire du monde, puis surtout du dépaysement pour de nombreuses heures de lecture !

Le prix du livre descend à 17,10 €, frais de port gratuits (aussi pour l'étranger).

Sur 6000 livres imprimés, il me reste environ 2000 exemplaires en juillet 2018.

Il y a un long résumé sur ce site : http://www.en-echappee.fr/un-velo-couche-a-la-decouverte-du-monde-monceaux/

 

Vous pouvez m'envoyer vos chèques de 17,10 euros à l'adresse suivante (paiement possible avec paypal):

Matthieu MONCEAUX (cmd livre)
13 rue Blériot
81200 AUSSILLON

Merci de joindre à votre chèque un minuscule papier avec votre Nom, Prénom, l'adresse de livraison et un numéro de téléphone ou une adresse email (que je puisse vous prévenir s'il y a un problème avec l'adresse).

Je précise que l'envoi se fait en général le lendemain de la réception du paiement, sous une simple enveloppe de papier (recyclable) et non dans une belle enveloppe plastique à bulles qui ne serait pas recyclée, mais brûlée en incinérateur en dégageant beaucoup de gaz nocif...

 

Pour les personnent vivant au Québec, je vous conseille de passer par ce site : http://www.cartovelo.fr/

 

Le livre est également disponible ici :

- librairie Autour du Monde de Lille (www.autourdumonde.biz)
- magasin Atout Vélos à Flines les Raches (http://www.atoutvelos.com/)
- aussi disponible sur commande dans votre petite librairie de quartier (merci de favoriser les petits). Donnez-leur mes coordonnées (email :) pour éviter qu'ils ne passent par mon éditeur (qui a arrêté le suivi du livre).

Quelques exemplaires disponibles (en insistant fortement) à Ex-Libris - 17000 La Rochelle.

 



Informations sur le livre

Matthieu MONCEAUX

"Un vélo-couché à la découverte du monde"

éditions Nord-Avril

44 000 km en 27 mois, un Challenge en Distance
Récits, pensées et histoires du monde

Ce n'est pas un simple livre de récits de voyage. C'est un livre de réflexions, de récits et d'humour.
Sans fioriture, j'y raconte les événements les plus intéressants de ce "tour du monde", mes pensées, et des bouts d'histoire du monde.
Mon vélo, que j'appelle Eole, parle. Il me fait des remarques pertinentes, joyeuses, ou râleuses. Cela apporte de la chaleur aux récits et un côté enfantin.
Eole et moi partons alors à deux, dans un univers incertain où tout change chaque jour. Nous partons vers une nouvelle vie pleine de péripéties. Une vie pleine de vie.

Caractéristiques :
- Format : 20 cm x 14 cm
- 336 pages de récits et 16 pages de photos (soit une 30aine de photos)
- A la fin, une riche conclusion où je fais le point sur ce voyage et ma vision du monde. Puis, cerise sur le gâteau, les gestes citoyens et écologiques pour aider à la vie sur Terre.

4ème de couverture :

Matthieu Monceaux est parti le 24 juin 2002 pour un grand
voyage qui devait durer 4 ans. Confortablement installé
sur son vélo-couché, il a traversé les Amériques du nord au sud,
la Chine, le Tibet, le Népal, puis l'Inde, pays qui le verra
dangereusement dépérir.

Sans fioritures et avec humour, Matthieu nous raconte les
événements les plus intéressants de ce tour du monde,
les rencontres, les difficultés, ainsi que quelques faits
marquants de l'Histoire du Monde.

Son vélo, nommé Éole, raisonne et fait des remarques
pertinentes, joyeuses, ou plaintives. Au total, nos deux
aventuriers parcourront 44 000 km en 820 jours.

En plus d'une trentaine de photos en couleurs, Matthieu nous
offre une riche conclusion où il dévoile sa perception du Monde.
S'en suivent les gestes citoyens et écologiques qui peuvent
encore sauver la planète ainsi que des explications sur le vélo-couché.

 



EXTRAITS

[...]

Chapitre 4

Mexique tu m'exiques

L'arrivée, 21 septembre 2002

Eole, de sa voix chaînante : - Mais que se passe-t-il ici !?
Matthieu : - J'aurais moi-même beaucoup de mal à te répondre mon cher Eole. J'ai l'impression d'être tombé d'un avion. Un tel contraste en si peu de temps ! Où sommes-nous donc tombés ? C'est donc cela le Mexique ? Quelle joie !

Nous sommes sous le choc. Tout est usé, abîmé, gâté, cabossé, sale, crade, bruyant, criant, mais parlant ! Arrivons-nous après la bataille ? Les Etats-Unis étaient-ils aussi en guerre avec le Mexique ?
Impressions nouvelles, mais belles. Les petits magasins sont peints de couleurs vives et joyeuses, les bus dégagent une épaisse fumée noire, les gens nous regardent tous passer en parlant ou sifflant joyeusement. Plus aucun panneau, c'est plus beau, mais plus d'info. Déboussolé, je commence à paniquer.
M. : - Je crois pourtant ne pas m'être trompé Eole, nous avons passé El Paso et devons nous trouver maintenant à Ciudad Juárez, au Mexique. Attends, je vais demander mon chemin à quelqu'un.
Entre la dangereuse circulation, le bruit, et les trous à éviter, je suis surchargé, le cerveau prêt à exploser. Vais-je pouvoir m'arrêter ? Oui. Je m'approche d'un groupe de gens, mais un nouveau problème survient : je ne comprends rien de ce que me disent ces gens. Problème de compréhension, obstacle de la langue inconnue, un avant goût de vie en Chine. Ici plus d'anglais, même pas d'espagnolanglais, que du castillané .

Le plus important, manger ! Je tourne dans la ville afin de trouver de quoi m'alimenter, un supermarché, mais comment payer ? Ma carte bancaire est refusée !
M : - Fais une prière, Eole !
Quand tout à coup, alors que je fais le plein d'eau dans une station service, un jeune homme s'approche de nous pour nous parler en … anglais ! Sauvés ! Le Dieu d'Eole l'aurait-il écouté ? En attendant la fin des pérégrinations cérébraluminum d'Eole, qui cherche une réponse à ma question, je prends conseil auprès de ce Dieu Monsieur qui m'explique soigneusement comment payer et comment sortir de cette ville qui me paraît aujourd'hui très dangereuse...


Femmes perdues dans l'arrière-cour de Satan
... à suivre

 

[...]

(Equateur)

 

" C'est un dur bateau. Les membres de l'équipage sont affreux et font peur. Ils sont horriblement maltraités. Le patron coupe le pouce de l'un deux pour bourrer sa pipe. "
Blaise CENDRARS (1887-1961), L'or.

Le Virgen de Monserrate

C'est un dur cargo de plus de 50 ans, vert pâle, en triste état, qui nous emmènera jusqu'à Guayaquil, en Equateur. Oui, les membres de l'équipage sont affreux et font peur - et vous, vous êtes-vous regardés ? Après négociations, le prix descend à 70 €, repas compris. Comparé aux 250 € de l'avion, c'est très intéressant. L'inconvénient c'est le manque de cabine : première nuit sur le pont, à la proue, dans le froid, " à glagla ". Les nuits suivantes, je les passerai dans le bruit de la salle télé, boules Quies bien enfoncées. Les repas seront : ris au matin (6h), ris à midi (12h), et ris au soir (18h) : qu'est-ce qu'on se marre. " Du riz, du riz, toujours du riz. C'est pas de la nourriture pour des Européens ! " (Hugues Au Frais). Demain sera mieux ? Pas de salade aux affreux. Le riz sera, il est vrai, parfois accompagné d'une soupe en entrée, ou de poisson fraîchement pêché, dont une énorme raie.
Dans ce vieux rafiot (un grand bateau fait naufrage tous les 3 jours dans le monde), comme cargaison : principalement 3 vieilles voitures et de nombreuses bouteilles vidées. Le chargement fut spectaculaire : un peu à la mer et beaucoup de bris de verre.
A 10 nœuds de moyenne, on arrivera à Guayaquil au bout de 3 jours de mer. Vers 14h, je débarque mes affaires jouant à l'équilibriste sur une planche vacillante large de 40 centimètres et longue d'au moins 8 mètres. Eole n'apprécie guère, car en dessous se trouve la mer.
Après presque 3 mois de relative inactivité physique, nous sommes enfin prêts à rouler. Dès les premiers mouvements de mon véhicule extra-ordinaire, tout le monde se met à rire. Adieu les loups de mer !

[...]

Chienne de vie !

Le cyclo-clochard a bien des ennemis dans ces foutus pays : les pollueurs routiers, les voleurs, et surtout les chiens !
Ici, en Equateur, le problème a quadruplé. Jour et nuit, ceux-ci nous enn(em)uient : courses enragées le jour, cris de furie la nuit. Pour chaque habitation, 4 ou 5 chiens. Meutes de chiens de garde ? Garde de fous ou gare de fous ? Avec leur boulot de chien de berger, ils ont pris l'habitude d'aboyer sur tout ce qui bouge. Jamais attachés…, encore moins attachants ! Imaginez ce que ça peut donner à l'arrivée d'un petit pâté de foyers (hum, délicieux le pâté de chiens) :
- Ouahf ! (Ca, c'est le cri du premier. Ca y est, nous sommes repérés…)
- Ouahf ! Ououhf ! Ouaf ! Oa ! Ouahf ! Ouahf ! Ououhf ! Ouaf ! Oaof ! Ouahf ! Ouuah ! Ououhf ! Oahaf ! Ooa ! Ouuahf !
- Aahhh ! Viiite Eole ! Fuyons !
Si vous avez bien lu, on compte 16 chiens pour à peine 4 maisons. Nous voici investis par ces clébards-clochards. Appuyant de toutes mes forces sur les pédales d'Eole, nous battons tous les records pour grimper cette montée.
Un des gros avantages du vélo couché est que même en montée, on peut facilement tenir le guidon d'une main, l'autre servant à saisir un grand bâton anti-chien. A chaque problème sa solution, la mienne est trouvée.

[...]
(Per où ?)

Expédition Machu Picchu

" Eloignez-vous à un jet de pierre sur la droite ou sur la gauche de cette route bien entretenue sur laquelle nous marchons, et aussitôt l'univers prend un air farouche, étrange… " Rudyard KIPLING .

Préparation : lampe frontale, couverture de survie, vêtements chauds, petit appareil photo, chocolat, deux litres de dopant eau cola et 10 tartines de confiture. Je relie Eole et tout son chargement à l'aide d'un petit câble et d'un cadenas, afin que personne n'essaie de l'enlever pendant mon absence - prudence et défiance sont mères de sûreté. Minuit, je m'endors enfin, serein.
Deux heures du matin. Après un très court sommeil et juste avant que ma montre ne sonne, j'ouvre les yeux. Dehors il pleut. Mauvais augure ou…, la pluie du matin réjouit le pèlerin ? Cinq minutes plus tard, je ferme doucement la porte de la chambre pour aller vers le froid. J'abandonne Eole qui ne m'en veut pas, il sait pourquoi.
Aussitôt sorti, je réfléchis. Lune absente, épaisse couche nuageuse, lumière manquante. Un train passe, je me cache. Malgré ce temps pluvieux, je me décide à avancer. Marcher me réchauffera, puis il ne va quand même pas pleuvoir toute la nuit !? (Non, quand même pas !!?…)
En quittant le chalet et cet accès au chemin de l'Inca, je perds la lumière des lampadaires. Pour ne pas me faire repérer, je garde ma lampe frontale éteinte. Noir complet, ne reste à mes pieds qu'une faible luisance sur les rails. Je les longerai pour avancer sans m'égarer. Dure vie pour les chevilles que cette lente progression dans le noir sur ces galets bien affûtés. A chaque pas, je manque de tomber. Nous longeons la rivière Urubamba (de 10 mètres de large) qui vivement défile, faisant un bruit de foule déchaînée. En écoutant les ondes sonores ricocher sur les rochers, je peux me repérer et dessiner l'architecture du paysage. Le son s'efface dans l'espace. Quelques pas et il réapparaît à mes pieds, attention danger. Un grand vide, un trou noir. C'est un petit serpent d'eau qui se jette dans le gros. Un petit pont, pas de train, je le passe rapidement. Le noir m'apporte au moins l'avantage de ne pas sentir l'élévation. Je marche comme un noctambule. La pluie ne cesse toujours pas, sauf dans les tunnels où je presse le pas. Un écho par ci, un autre par là-bas. Des milliers de bandits rodent autour de moi. Les chiens qui aboient croient que c'est moi le hors la loi. Le suis-je vraiment ? Et où est la loi ? Peut-être dans cette rivière Urubamba, qui descend remplir le lac Titicaca. La Loi de la Nature.
Six heures du matin, premier train, je me jette dans les fougères. J'aperçois un gardien à chaque porte des voitures… Pas question de laisser sortir les poules aux œufs d'or avant qu'elles aient pondu leur œuf ?
Huit heures, le jour se lève, j'arrive enfin à Aguas Calientes. Trente kilomètres à pied, ça use les souliers ; et si ça n'usait que ça... En réalité, à part des pieds, je ne suis pas trop fatigué, car entraîné. Tirer un vélo chargé dans les montées est aussi dur que marcher toute une journée. La pluie ne cesse de tomber. Je visite cette étrange ville qui se prépare pour l'arrivée des billets ambulants. C'est le branle-bas de combat. Tout le monde s'affaire à ses affaires. Je n'ai pas eu le courage de compter, mais il doit bien y avoir une vingtaine de restaurants ; impressionnant ! C'est dire le monde qu'il y a le soir.
J'achète mon billet d'entrée (20 €) pour le Machu Picsous, puis monte, toujours à pied, les 2 derniers kilomètres (il y a des bus pour les tousrichtes). En haut, malgré la pluie, déjà plein de monde. Je me joins à un groupe de français pour profiter des explications de leur guide. Personne ne vient me parler. Au bout d'un moment, un membre du groupe va demander au chef de me virer... Sympa ! Le chef de groupe est un français expatrié d'une trentaine d'années. Il vit maintenant en Espagne et vient travailler ici tous les étés. C'est dire s'il doit bien gagner. Je ne fais, bien-sûr, pas d'histoire et continue la visite seul.
Cette cité inca, préservée de l'invasion espagnole du 16ème siècle, fût découverte en 1911 par Fawcett et étudiée par l'historien américain Hiram Bingham. Située à 2 500 m d'altitude, elle fût probablement construite vers 1450.
Quatorze heures, je quitte les lieux. Il me reste encore 30 kilomètres à pied avant de me reposer. La pluie a cessé durant une ou deux heures, juste le temps de me sécher. Mais au moment où je pars, elle repart aussi. Les rails seront mon fil d'Ariane. Durant ce trajet, je vais découvrir une partie du paysage que je n'avais pas vu ce matin dans le noir. C'est une impression agréable, je suis encore plus avide de le connaître, ce paysage entr'aperçu. Dix neuf heures, noir complet, comme la nuit passée. Très fatigué, je ne suis maintenant qu'un forçat condamné à ramer sur les galères. Je me donne tout de même l'autorisation de m'arrêter toutes les 10 minutes, car rapidement, mes jambes ne me soutiennent plus. Je m'écroule tous les cents mètres. Malgré les ampoules, je ne sens plus mes pieds. De fortes douleurs me rongent les os des jambes. J'ai beau m'être dopé toute la journée (au coca-cola), je suis épuisé. Mille interrogations me traversent l'esprit. Je pense à m'arrêter pour me reposer, mais la pluie vite me refroidie. Le temps s'allonge, sensation d'éternité qui me ronge. Y arriverai-je enfin ? Recroquevillé sous la pluie, je m'endors quelques temps, rapidement le froid me reprend. Je gagne enfin le chalet, bonjours aux gardiens qui m'offrent un thé. Salut Eole, je te serre la manivelle puis vais me coucher, comme un bébé.
Soixante dix kilomètres, 14 heures de marche, principalement sur des galets. Record que je ne suis pas prêt d'oublier. Ca valait le coup d'essayer. Je réalise que la résistance du corps humain va bien plus loin que ce que je pensais.


[...]
(Chili)

Punta Arenas - Puerto Natales

Le temps devient pluvieux, nuageux. Retour vers le vert et basta le désert.
A force d'essuyer toutes ces intempéries, mon morale décroît, c'est la déroute. En ce mardi 30 décembre 2003, voici ce que j'écris dans mon carnet de route : " Vraiment aucun intérêt de faire du vélo ici : froid, pluie, vent glacial, pistes, touristes ".

Le 1er janvier 2004, je suis à Punta Arenas avec Alexis. Je l'ai retrouvé hier, par hasard, alors qu'il attendait le bateau permettant d'enjamber le détroit de Magellan, à Porvenir (la ville où on vous explique comment venir…).
Nous sommes le 1er, tout est fermé, on ne peut faire le plein de nourriture et il pleut ! Je reste sous la tente à lire sur mon ordinateur de poche Germinal de Zola. Comme quoi, parfois, quand on ne peut vraiment plus rien faire de stupide - comme pédaler ou aller au supermarché… -, on fait des choses intelligentes !
Deux janvier, les magasins rouvrent, on revit. Je fais les courses, le plein d'eau et c'est reparti.
Avant de quitté Punta Arenas, je passe quand même un peu de temps au museo Salesiano Maggiorino Borgatello, où l'on nous parle de l'histoir(io) de la région(o), d'anthropologio, d'écologio, et d'histoirio industrielo (le pétrole).
Le soir, un jeune couple d'Autrichiens à vélo que j'avais doublé l'après-midi, me rattrape et vient camper à côté de moi, seul endroit protégé du vent à au moins 15 km à la ronde. J'essaie de discuter un pneu avec eux, mais leurs longues études semblent les avoir totalement absorbées ; ils n'ont pas encore eu le temps de penser à autre chose. Nous nous couchons.
Le lendemain matin, 8h30, je suis déjà debout. Je vais attendre très longtemps qu'ils sortent enfin de leur tente pour leur dire au revoir. Vous êtes grand, je ne vais pas vous expliquer ce qu'ils font…
Dix heures trente, enfin levés, je leur dis au revoir et les quitte. Ils me doubleront dans quelques heures, bien installés dans une camionnette. Moi, à peine sur la route, violente rafale, déséquilibre, je me retrouve par terre : 1-0, le père Eole marque le premier point. Il est déjà en forme, près à combattre. Je range mes petits écouteurs de walkman pour les remplacer par des boules Quies, sors le masque de ski et mets un bandeau autour du visage pour protéger mes lèvres que cisaille le vent. Là, père Eole doit déjà souffler à 50-60 km/h. Ce n'est qu'un début. Plus loin, alors que j'essaie de manger du pain accompagné d'une cuillère de confiture - tout vol en l'air -, le Dieu Eole fera tomber Eole en cassant sa béquille.
E. : - Aïe ! Avançons plus vite Matthieu ! Quittons ces terres de vents !
M. : - Facile à dire Eole ! Ce n'est pas toi qui pédale !
Nous repartons…, à la vitesse escargot : 10 km/h !

Vers 16h, alors que, poussé par une bourrasque, j'évite une chute en freinant d'urgence pour ne pas me retrouver dans le fossé, un camion s'arrête devant nous. Je me faufile à sa droite. Arrivé à hauteur de cabine, j'entends des cris, m'arrête puis me rapproche :
M. : - Bonjour ! Quel vent bon vous amènes ?
Dans le vacarme assourdissant, deux jeunes hommes me proposent de m'emmener jusque Puerto Natales. Comme ils sont déjà arrêtés, je ne peux refuser, car si je rejette leur proposition, ils ne s'arrêteront plus pour les prochains cyclistes. Eole me conseille également de monter ; grand courageux qu'il est…
On va beaucoup discuter dans ce camion. Le chauffeur, Alexandro, a 29 ans. Son collègue, Miguel, en a 26. Ils font le trajet 20 fois par mois pour amener des moutons sur Punta Arenas, et sauvent très régulièrement sur cette route les cyclistes fous qui osent défier le Dieu Eole.
Après de brefs paroles sur le mauvais temps, puis sur la vie et la famille, les discutions deviennent plus politiques - bien sûr. Ils me racontent que Pinochet - qui fût lui aussi beaucoup aidé par le gouvernement des Etats-Unis - n'est pas aussi fou que ce que l'on essaie de nous faire croire. Interviewé la semaine passée, il se souvenait de tous ces crimes. C'est un homme très riche qui contrôle encore en parti le pays. La " gauche " gouverne ici, mais elle n'a de " gauche " que le nom (c'est un peu partout pareil me direz-vous). En vérité, l'état vend toutes les richesses du pays à de grosses multinationales. Il a vendu l'eau, l'électricité, la santé, et essaie maintenant de vendre le pétrole, une de ses grosses ressources. Comme souvent - toujours ? - ce sont les plus pauvres qui en pâtissent. Alexandro m'explique que maintenant, dans son pays, si vous avez un gros accident de santé, il faut trouver un bon ami qui signe un chèque avant l'opération.
Quand je leur parle de la France, des études quasi gratuites, du système de santé, etc., ils me regardent avec de grands yeux envieux. C'est vrai, en France, nous avons des trésors de solidarité. Mais je leur explique que c'est en train de changer, les gens refusent de plus en plus cette solidarité. Ils pensent avant tout à eux et aux impôts qu'ils payent. Ca va devenir comme ici, au Chili ou ailleurs. Il y a aussi une grande partie de la population qui s'en fiche, ne s'intéresse pas et ne comprend rien à ce qui se passe. Ils comprendront peut-être plus tard, trop tard.
Je les questionne également sur les relations très mauvaises avec leurs pays voisins. D'abord avec le Pérou et la Bolivie, pays qui réclament encore des territoires du Nord Chili, pris durant la fameuse guerre du Pacifique de 1879 à 1883. L'état chilien voulait ces terres de la région Tarapaca pour le nitrate qu'elles contenaient.
Puis nous parlons des problèmes avec l'Argentine, pays qui leur a chipé des territoires du sud alors qu'ils faisaient justement cette fameuse guerre du Pacifique. Ces territoires du sud fournissent maintenant du gaz et du pétrole en abondance, alors que le nitrate des territoires du Nord ne vaut plus grand chose.
Si la tension monte et si une guerre survient un jour, ne vous inquiétez pas. Le Chili et l'Argentine sont tous deux équipés de bons mirages français. Donc en cas de guerre, on pourra encore vendre d'avantage de mirages et se sera très bon pour notre économie. L'état français sera, derrière la façade, très satisfait.
Arrivés à Puerto Natales, je les quitte en leur donnant mon adresse en France. Ils seront les bienvenus.
Cette ville est entourée de montagne, donc un peu protégée du vent. Petit tour au cybercafé, comme toujours, les messages que m'envoient les internautes du monde entier - enfin…, surtout de France, restons modestes - me redonnent le moral :

Voici un message de Claude.T envoyé à Eole et Matthieu, début janvier 2004 :

Bonjour Matthieu, [et Eole]
En guise de voeux pour cette nouvelle année, allongée... d'une journée.
Enchantement
Glisser dans l'air, filer, corps à fleur de terre
Allongé sur le dos, les jambes tricotant
Un voyage léger, paysages à bout portant
Ou la course effrénée, endiablée, sans repère
Coeur battant, enivré, vélo devenu flèche
Ou le calme olympien d'un pédaleur rêvant
Qui cherche avec sa peau à caresser le vent
Tandis que le vent joue, l'entoure et...le lèche.
Rouler presque couché, tu l'as compris, l'ami
Plus qu'affaire de gambettes, c'est de rêve qu'il s'agit.

 

Suite