La Sortie du nucléaire en questions


1. La France peut-elle sortir du nucléaire alors qu'elle en dépend à 75% ?

Si le nucléaire représente 75% de l'électricité produite en France, il représente en fait seulement 15% de l'énergie consommée en France et seulement 6% dans le monde. Il est donc tout à fait possible de se passer du nucléaire, d'autant qu'il existe de nombreuses autres façons de produire de l'électricité. Toutes ont des avantages et des inconvénients, mais le nucléaire présente des inconvénients absolument inacceptables (déchets, risque de catastrophes). Notez aussi que l'industrie nucléaire consomme elle même d'immenses quantités d'électricité. Par exemple, les quatre réacteurs de Tricastin (Drôme) fonctionnent quasi exclusivement pour l'usine voisine Eurodif qui prépare le combustible nucléaire. Quelle absurdité ! Enfin, environ 12 réacteurs français fonctionnent pour l'exportation d' électricité. Ce n'est même pas une réussite économique car si on prend en compte tous les coûts du nucléaire (voir plus loin), il s'agit bel et bien de vente à perte.

2. Les énergies renouvelables peuvent-elles produire autant d'électricité que le nucléaire ?
Pour justifier les centrales et empêcher la sortie du nucléaire, EDF et les gouvernements successifs développent depuis 30 ans et encore aujourd'hui une incroyable surconsommation d'électricité, par exemple avec le chauffage électrique (qui est carrément interdit dans certains pays tant il est anti-écologique et non rentable). Les gaspillages sont tels que divers travaux, dont ceux de la très officielle Agence internationale de l'énergie, montrent que l'on peut sans difficulté réduire de moitié la consommation électrique française sans même restreindre le confort. Il n'y a donc absolument pas besoin de produire autant avec les énergies renouvelables qu' avec le nucléaire !


3. Les énergies renouvelables ne présentent-elles pas elles aussi des aspects négatifs ?

Toutes les formes de production d'électricité ont leurs aspects négatifs. Il faut donc choisir les nuisances les moins graves. Aujourd'hui, les éoliennes ne font quasiment plus aucun bruit. Il est vrai qu'elles atteignent parfois des tailles importantes, mais elles sont largement préférables aux centrales nucléaires et leurs milliers de km de lignes très hautes tensions (THT). Les éoliennes ne font pas peser de risque de catastrophe, ne produisent pas de déchets radioactifs, et sont facilement démontables si nécessaire, contrairement aux centrales nucléaires. Enfin, certaines associations créées contre les éoliennes semblent avoir pour but réel de protéger le nucléaire du "danger" des énergies renouvelables.

4. Pour sortir du nucléaire, faut-il « recouvrir la France » d'éoliennes et de panneaux solaires ?
L'Allemagne a lancé en 1999 le programme « 100.000 toits solaires » et a franchi en 2002 les 10.000 MW éoliens installés, soit le tiers de la capacité mondiale et environ cent fois plus que la France. L'objectif fixé par le gouvernement allemand est d'atteindre un quart de la consommation totale d'électricité d'origine éolienne à l'horizon 2030. Avez-vous entendu dire que l'Allemagne aurait "disparu" sous les panneaux solaires et les éoliennes ?

5. Faut-il exploiter simultanément le nucléaire et les énergies renouvelables ?
C'est le "mix énergétique". Se contenter de réduire la part du nucléaire, ce serait continuer à contaminer les environs des centrales nucléaires, à produire des déchets radioactifs et à courir le risque de catastrophes. Le nucléaire est inacceptable par nature. C'est à sa disparition totale qu'il faut arriver, aussi vite que possible. Par ailleurs, tant que le nucléaire continuera, il n'y aura pas les financements nécessaires pour les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables. Il faut un véritable basculement des investissements, et ce n'est possible qu'avec la décision de sortir du nucléaire (dont nous souhaitons que la mise en oeuvre soit la plus courte possible).

6. Le nucléaire répond-il aux critères du « développement durable » ?
Le thème du « développement durable » est récupéré et déformé, en particulier par les compagnies pétrolières et les entreprises du nucléaire. Leur objectif est de préserver leurs marchés tout en se donnant une image environnementaliste. Le nucléaire est nuisible pour les êtres vivants et pour l'environnement. Il ne répond à aucun critère écologique.

7. Le nucléaire permet-il de lutter contre le réchauffement de la planète ?
Les activités humaines produisent des gaz, comme le dioxyde de carbone (CO2), qui réchauffent peu à peu l'atmosphère et dérèglent le climat. C'est l'effet de serre. Il faut lutter contre ce réchauffement pour laisser aux générations futures une Terre habitable. Il est donc complètement absurde de poursuivre cet objectif... en contaminant la planète avec le nucléaire pour des centaines de milliers d'années. Pourquoi remplacer la peste par le choléra ? Nous devons effectivement lutter contre l'effet de serre... mais surtout pas avec le nucléaire ! De plus :
  • 90 % de la hausse des émissions de gaz à effet de serre de l'Union Européenne est due aux transports. C'est dans ce secteur, mais aussi l' industrie et l'agriculture, qu'il faut agir prioritairement. Construire des centrales nucléaires n'y change rien.
  • il est faux de dire que le nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre car il faut considérer l'ensemble de l'industrie nucléaire, de l' extraction des minerais jusqu'au démantèlement des centrales. C'est la filière éolienne qui produit le moins de gaz à effet de serre.

8. Que faire des déchets nucléaires qui existent déjà ?
a. Faut-il les enfouir ?
Un laboratoire souterrain, potentiellement futur site d'enfouissement des déchets nucléaires ; est en construction à Bure (Meuse). Dans quelques décennies, les fûts de déchets nucléaires finiront par s'ouvrir à cause de la corrosion. La radioactivité trouvera son chemin par les failles géologiques, contaminera les nappes phréatiques, et reviendra à la surface de la Terre. C'est un « cadeau » empoisonné pour les générations futures.

b. Peut-on les rendre inoffensifs ?

Les chercheurs du lobby nucléaire exigent toujours plus d'argent en prétendant pouvoir transformer les déchets nucléaires, réduire leur durée de vie et leur dangerosité. Mais de nombreux scientifiques estiment que cette opération, la « transmutation », est impossible à l'échelle industrielle. Dans les années 70 et 80, les apprentis sorciers du nucléaire avaient déjà menti à la population en assurant qu'il y avait des solutions au problème des déchets nucléaires. A nouveau, il faudrait leur faire confiance et les laisser dépenser des milliards d'Euros d'argent public. Nous exigeons que cet argent soit utilisé pour développer les énergies renouvelables.

c. Le retraitement est-il une solution ?
Une fois retraités, les déchets nucléaires sont toujours des déchets nucléaires, aussi radioactifs qu' avant, et dont on ne sait toujours pas quoi faire ! Une petite partie peut certes resservir une fois de combustible (appelé MOX) dans les centrales nucléaires, mais le problème reste entier... et même aggravé : risques supplémentaires dans les centrales, transports des déchets nucléaires, rejets radioactifs importants dans l'air et dans la mer. Enfin, le rapport Charpin-Dessus-Pellat remis au Premier Ministre en 2000 a montré que le retraitement était injustifiable économiquement.

Conclusion : quelle est la moins mauvaise solution ?

La « transmutation » et le « retraitement » servent uniquement à faire croire qu'il y a des solutions pour les déchets et qu'il est donc acceptable de continuer le nucléaire. C'est un mensonge. Il faut fermer au plus vite les centrales nucléaires pour arrêter de produire ces déchets radioactifs qui vont rester dangereux pendant des centaines de milliers d'années et que nous n'avons moralement pas le droit de laisser à nos descendants.

9. Le risque nucléaire est-il comparable aux autres risques ?
Dans notre société moderne, nous devons bien accepter de vivre avec des risques. Ainsi, personne ne demande l'interdiction de l'aviation même s'il arrive qu'un avion s'écrase. Mais nous avons aussi le droit de décider collectivement qu'un risque est inacceptable, et c'est le cas avec le nucléaire : une catastrophe, c'est un continent entier et des millions de gens qui sont touchés. La vie devient impossible dans les zones contaminées, les enfants souffrent de graves problèmes de santé dus à la radioactivité. La population du Belarus, pays le plus touché par la catastrophe de Tchernobyl, diminue depuis quelques années (plus de morts que de naissances). Incomparable à tous les autres, le risque nucléaire n'est pas acceptable

10. Que se passerait-il en cas de catastrophe nucléaire en France ?
Comme le reconnaissent depuis peu les défenseurs du nucléaire, « le risque zéro n'existe pas ». Une catastrophe, avec rupture de l'enceinte de confinement et dégagement d'un nuage radioactif est hélas possible en France. A Tchernobyl, il y a eu environ 800 000 « liquidateurs » irradiés dont la plupart sont aujourd'hui morts ou gravement malades. Si cela se produit en France, qui va se sacrifier ? Il sera impossible de stopper la catastrophe. Plusieurs régions devront être évacuées pour des centaines d' années.

11. La sûreté nucléaire est-elle un exemple pour les autres industries ?
C'est ce qui a été affirmé après l'explosion de l'usine chimique AZF de Toulouse. Mais c'est faux. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n'est pas indépendante, elle est dirigée par le très pro-nucléaire ministère de l'industrie. L'ASN se contente la plupart du temps d'attendre qu'EDF veuille bien l'informer des problèmes ou accidents. Elle a vainement « exigé » pendant des années la fermeture de la dangereuse usine de plutonium de Cadarache (Bouches du Rhône). L'ASN est incapable d'imposer des mesures sérieuses face au risque sismique : EDF refuse de faire les travaux nécessaires. Enfin, que les contrôles soient sérieux ou non, rien ne peut empêcher un attentat suicide du style 11 septembre : ni les centrales nucléaires, ni les usines de La Hague et de Marcoule ne sont prévues pour résister à la chute d 'un avion de ligne.

12. Le nucléaire civil est-il lié au nucléaire militaire ?
Le plutonium nécessaire à la fabrication des bombes atomiques est produit par les centrales nucléaires dites « civiles ». Sans ses centrales, la France n'aurait pas de bombes atomiques. C'est pour la même raison que Saddam Hussein a acheté (à la France !) une centrale nucléaire en 1976, que la Corée du Nord et l'Iran veulent relancer leurs centrales nucléaires. Le nucléaire « civil » et le nucléaire militaire sont les deux visages d'un même monstre.

13. Les centrales nucléaires rejettent de la radioactivité dans l'air et dans l' eau. Ces rejets sont-ils « en dessous des seuils de dangerosité » ?
Vivre près d'une installation nucléaire est réellement dangereux car il n'existe pas de seuils en dessous desquels des irradiations ne seraient pas dangereuses : la CIPR (Commission internationale de radioprotection, instance internationale officielle dont fait partie l'Autorité de sûreté nucléaire française) reconnaît que « toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique ». (CIPR, 1990). Elle reconnaît aussi qu'« il est impossible d'établir un système de radioprotection uniquement sur des concepts scientifiques et des considérations de santé » (ce qui signifie : « Il faut bien que des gens soient irradiés si on veut faire fonctionner des centrales nucléaires » !). La CIPR avoue aussi que « le choix des limites de dose implique des jugements sociaux » : cela signifie que ces seuils ont été inventés, dans le but de rassurer les riverains.

14. Le nucléaire assure-t-il l'indépendance énergétique de la France ?
La France est encore plus dépendante avec le nucléaire qu'avec les hydrocarbures car 100% de l'uranium nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires est importé. Par ailleurs, le nucléaire est un colosse aux pieds d'argile : au Japon, il a fallut fermer 17 réacteurs d'un coup à cause de problèmes de sûreté (qui avaient d'ailleurs été cachés par Tepco, l 'EDF japonais). En France, il faut certainement en fermer autant ou même plus car les risques sismique ont été sous-évalués par EDF. Par ailleurs, la canicule de l'été 2003 a montré la fragilité du nucléaire. Or les climatologues annoncent pour les années à venir des canicules de plus en plus fréquences et intenses. A l'opposé, les énergies renouvelables assurent l'indépendance énergétique, la sécurité, l'emploi, et la protection de l'environnement.

15. Le nucléaire permet-il de protéger le service public ?
Non. Dans plusieurs pays, le nucléaire est privatisé. En Grande-Bretagne, British Energy, privatisée en 1996 et qui possède 8 réacteurs nucléaires, a fait faillite. Son rachat par l'Etat va coûter au contribuable l'équivalent de 20 milliards de francs, sans compter les pertes d'exploitation. En France, la préparation de la privatisation d'EDF se traduit déjà par de lourdes restrictions budgétaires qui aggravent les risques de catastrophe nucléaire. Par ailleurs, le nucléaire a été imposé par un lobby politique, industriel et militaire, contre l'avis et l'intérêt des populations. Le nucléaire, c'est la négation du service public.

16. La sortie du nucléaire serait-elle néfaste pour l'emploi ?
Si la sortie du nucléaire est décidée, il restera encore des dizaines d' années de travail : le temps d'arrêter toutes les centrales (tout a été fait dans ce pays pour que l'arrêt immédiat soit impossible), puis de les démanteler, opération extrêmement complexe, mal maîtrisée, et dont le coût est beaucoup plus lourd que celui qui est annoncé officiellement. Par ailleurs, le développement des énergies renouvelables est très fortement créateur d'emplois, bien plus que le nucléaire. En Allemagne, plus de 130 000 emplois ont ainsi été créés avec les énergies renouvelables, 250 000 emplois supplémentaires sont prévus d'ici 2010. (Etude de l'Institut allemand pour la recherche économique (DIW), citée dans le Rapport environnemental allemand 2002). La sortie du nucléaire est une chance pour l'emploi... et pour la santé des salariés qui n'auront pas à être irradiés pour gagner leur vie !

17. Le kilowattheure nucléaire n'est-il pas le moins cher ?
La compétitivité du nucléaire est un leurre : des sommes immenses (estimées à 2500 milliards de francs) sont investies dans le nucléaire depuis 50 ans, majoritairement sur fonds publics. Ces sommes ne figurent donc pas sur les factures EDF... mais nous les payons en impôts, et les générations futures payeront pour nos déchets nucléaires. Par ailleurs, le démantèlement des centrales coûtera beaucoup plus cher que ce qu'on nous a annoncé. On nous fait croire que le nucléaire est bon marché, alors que c'est un gouffre financier.

18. Est-il vrai qu'il faut payer l'électricité plus cher à cause des énergies renouvelables ?
Nous venons de voir que c'est le nucléaire qui nous coûte en réalité le plus cher, mais que cela ne se voit pas sur les factures EDF. Par contre, les modestes investissements réalisés dans les énergies renouvelables sont immédiatement ajoutés aux factures pour discréditer ces énergies. Le soleil et le vent nous sont fournis gratuitement par la nature, mais EDF nous fait croire que c'est ce qui coûte le plus cher !

19. Faut-il être riche pour avoir chez soi de l'électricité produite par les énergies renouvelables ?
  • L'investissement est effectivement assez cher, mais il est rentabilisé en quelques années.
  • Mieux : nous revendiquons pour les énergies renouvelables les mêmes faveurs que celles qu'a eu le nucléaire à son lancement : chacun doit avoir droit à l'installation gratuite chez lui de matériel (chauffe-eau solaire, panneaux photovoltaïques, une petite éolienne pour ceux qui ont la place), le prix étant payé sur trente ou quarante ans, en partie par les impôts et en partie par les factures EDF.
    Avantages : indépendance énergétique, création de centaines de milliers d'emplois, lutte contre l'effet de serre et disparition du risque nucléaire.

20. La sortie du nucléaire coûterait-elle terriblement cher ?

C'est continuer le nucléaire qui coûte le plus cher ! La maintenance des centrales, les révisions décennales, le remplacement des générateurs de vapeur, des couvercles de cuve altérés, la gestion des déchets nucléaires, etc. : ce sont des centaines de millions d'Euros que coûte en permanence le nucléaire. Et encore, nous n'osons parler du coût humain et financier d'une nouvelle catastrophe comme Tchernobyl. Le nucléaire est un désastre environnemental, humain, et financier. Pour éviter la catastrophe, et pour laisser une chance aux générations futures, prenons maintenant la décision de sortir du nucléaire.

 

 

Web : www.sortirdunucleaire.org

 

Editorial du site :

"On ne prévient pas les grenouilles quand on assèche les marais."
Ainsi s’exprimait il y a quelques années Rémy Carle, alors directeur de l’équipement à EDF. Les grenouilles, c’est nous. Les marais, ce sont les régions qui ont appris subitement un jour qu’elles allaient à jamais être marquées par l’empreinte de l’histoire atomique. Cette formule cynique, un responsable nucléaire russe ou américain aurait pu la reprendre à son compte. De part le monde ces personnages ont pu développer pendant un demi-siècle un formidable Archipel de silence.

Le choix nucléaire s’est fait dans l’opacité la plus complète et le citoyen-grenouille n’a compris que bien plus tard le prix du « tout-confort » électrique.

Svetlana Alexievitch, une journaliste qui a enquêté sur Tchernobyl, a raconté sa rencontre avec un « liquidateur » employé à des opérations de décontamination à proximité de la centrale accidentée. Un peu hébété, le jeune homme s’interrogeait : « Nous lavons les toits, les voitures, les champs... Mais on ne peut pas laver l’eau ! »

La douloureuse absurdité d’une catastrophe nucléaire se résume dans ce petit récit. Et il y aurait quelque naïveté à croire que l’accident n’arrive que chez les autres.

Les prophètes de l’Eldorado énergétique voudraient nous faire croire qu’il faut poursuivre l’aventure et le gaspillage pour soigner les maux de la planète. Face à de tels partisans, se débarrasser du nucléaire ne sera pas une mince affaire. Pourtant, un monde sans nucléaire n’est pas un doux rêve. Ce futur est en marche dès maintenant à travers des innovations technologiques ou économiques, des décisions publiques novatrices ou d’autres modèles de coopération internationale. A nous de le faire vivre au XXIe siècle.