La spéculation

 

L'économie mondiale est dominée par la seule logique de l'argent. D'où cette fameuse « bulle financière», sorte d'univers autonome et virtuel qui, chaque jour, se détache davantage des modes de fonctionnement de l'économie classique. Chaque jour, il s'échange 2 000 milliards de dollars sur les marchés monétaires, soit cent fois plus que les échanges de biens et de services. Cet écart, qui était de 1 à 5 en 1980, est passé de 1 à 100 aujourd'hui. Comme l'écrit Paul Houée :
« Tout n'est plus que tourbillon spéculatif qui se déplace d'un continent à un autre au gré des avantages escomptés, des coups de bourse, des anticipations des experts. Les capitaux s'engagent et se désengagent, désarticulant les dynamiques économiques et sociales qui ont besoin de temps et de sécurité pour se réguler. Les États, les corps intermédiaires s'avèrent impuissants ou complices, les entreprises elles-mêmes connaissent la fièvre et le doute qui empêchent tout développement durable. L'insécurité du personnel, y compris des cadres, quant à l'emploi crée un climat de tension, de stress, de compétition et d'incertitude finalement préjudiciable à l'entreprise'. »
Ce casino mondial fonctionne en temps réel et continu entre les grandes places boursières de Tokyo, Singapour, Londres, Paris, New York, Chicago, par l'intermédiaire d'opérateurs spécialisés - les fameux golden boys - et de circuits totalement dématérialisés... Cette emprise est tellement massive qu'elle s'impose comme la pensée unique et contraignante que toutes les sociétés devront tôt ou tard adopter. On retrouve là les grands principes ultralibéraux de von Hayek: «Les sociétés humaines n'ont d'autre finalité que leur action efficace; le marché n'est pas à corriger, mais à placer au-dessus de la justice. Il est la forme optimale de la régulation sociale et il n'existe pas de société hors de ce marché. »



Extrait du livre "La Terre en Héritage" de J.M. Pelt.